lundi 22 juin 2009

"Guayaquil city, they're gonna kill you baby"

Guayaquil, c'est notre première rencontre avec l'Equateur, capitale économique, trois millions d'âmes y vivent.

Le temps est gris gris et très humide. Nous avons traversé un grand pont avant d'entrer dans le vif du sujet, au-dessus d'une eau plus grise que le ciel, quelques barques flottaient, semblant trop chétives pour ce bras de mer.

Dans le bus, est passé RockyI, RockyII, le début de RockyIII et de RockyIV, pleins de collégiens et de collégiennes.
Avant de commencer le voyage, nous avons du donner nos empreintes digitales et faire un sourire à la caméra tenue par un flic équipement Robocop. Plan anti-détournement de bus.

Le terminus s'est avéré être un énorme centre commercial de trois étages où les enseignes mondiales de bouffe se sont fait un énorme coin fast-food. Ca pue le graillon de Burger King, Pizza Hut, KFC, McDo, Texas Chicken... A tel point que nous nous demandions si nous n'étions pas déjà aux States. Vanessa Paradis chante Joe le Taxi dans les centaines de baffles du centre commercial... Nous sommes complètement déboussolés par cette arrivée.



Nous prenons un taxi qui nous emmène devant un hôtel. Les taxis officiels sont jaunes, toutes les autres voitures de la ville -ou presque- sont des "pirates de la route".

Un garde armé d'un fusil à pompe surveille l'entrée. On paie d'avance ici. Les pales d'un ventilateurs brassent l'air chaud de notre chambre sans fenêtres. Nous sortons chasser de la nourriture du troisième millénaire.

Il pleut des gouttes de condensation des climatiseurs sur les trottoirs. Chaque magasin de HiFi, chaque hôtel et Cyber, chaque resto plante un garde armé devant sa porte. On a droit à toute la gamme des fusils à pompes, du chromé à l'option bazooka. Toute cette partie de la ville est sous vidéo-surveillance.
Les robinets des toilettes sont soudés aux murs, les épicières rendent la monnaie à travers des grilles en fer. Il parait que c'était la ville la plus dangereuse d'Amérique Latine. Il y a encore dix ans, un gringo ne pouvait pas se promener dans le centre historique sans y risquer d'y perdre sa vie, ou du moins une partie.

Vous croyez que nous sommes venus là par amour du risque? Mais non, nous ne sommes ni Jonathan, ni Jennifer, rapellez-vous, nous n'avions toujours pas de guide avant de franchir la frontière. Aussi, lorsque la femme de l'agence de bus péruvienne nous a demandé "Guayaquil?" nous avons jeté un oeil sur une carte. Nous avons vu une ville portuaire, à la consonnance joyeuse, au bout d'un bras d'océan... Vamos a Guayaquil!
Depuis dix ans, la ville se rachète doucement une réputation. Les keufs gagnent du terrain sur les caïds et patrouillent la vieille ville à faire bondir dans la rue des hordes de français.

Passé 19h, seules les enseignes citées plus haut restent ouvertes. Ce sont en fait des restos de luxe.

Les filles sont habillées en débardeurs trop échancrés remontant au-dessus du nombril. Soit boudins soucissonnés, soit méga bombe, mais c'est plus rare, ici on trouve plus des fusils à pompe.
Aux coins des rues hautes commes les buildings de verre, on croise des restes de colonisation qui ne rivalisent pas de taille mais au moins crééent la surprise.

Toutes les rues sont bordées d'arcades en ciments à la peinture salie.
Cette ville agit sur la population comme un rêve américain, son pouvoir d'attraction dégage autant de répulsion. Pourquoi tant de gens viennent s'échouer ici? On imagine des chercheurs d'or modernes, venant se mesurer à la violence de la jungle urbaine. Et pourtant on y croise plus de regards blasés que de regards exaltés.

Malecòn 2000, une promenade longeant les quais, un projet de réhabilitation du centre-ville et la fierté des dépliants touristiques.
En bon élèves que nous sommes, nous y faisons un tour. Le club de la mal-bouffe s'est donné rencard tous les 500 métres. La zone promenade est cernée de grillages et les entrées sont surveillées. Nous admettons que c'est sympatique pour prendre l'aire du large mais cela manque cruellement du charme décadent qui se dégage du reste de la ville!

Il n'y a pas de type équatorien, les gens sont issus d'un brassage ethnique venant des quatres coins du monde. On revoit des peaux noires, ça faisait longtemps.
Dans les marchés -il y en a quand même- les contre-façons envahissent les vitrines, à tel point que l'on se demande si Ralph Lauren ne se fait pas une commission sur les ventes de polo. Pas de risque de mauvaise image de marque et un nouveau créneau : "le polo pour les pauvres-riches".

Nous devions partir au bout de 24 heures. Finalement nous avons prolongé de 24 heures.
Dans le terminal gigantesque, le hasard de la bande musicale fait que Vanessa vient nous dire au revoir.



Dans le bus qui nous mène à Quito -la vraie capitale- Rocky is back. Quito, c'est une autre histoire... Un peu moins funky.

Sachez que nous avons enfin dégoté un guide dans une auberge qui ressemble à une colocation d'étudiants erasmus, adeptes du macramé, dans un décor de ryad marocain à l'abandon. On s'y fait.

La ville se délimite nettement en deux gros quartiers, le Centro Historico, où nous avons élu domicile, et Mariscal, centre économique et politique de Quito.

Le Centro Historico est de loin le quartier le plus agréable... Mais le plus dangereux quand vient la nuit. Ici aussi c'est Robocop'land. On y trouve toute l'architecture coloniale, les rue pavées, les églises.
Nous sommes montés en haut d'un des clochers de la basilique.

Le chemin passe au-dessus de la nef puisse termine en escaliers pendus dans le vide. Nous ne savons pas comment ce tour de passe-passe peut être possible, mais le vertige de Cécile est passer dans le corps de François.
Arrivés dans la tour, un orage a éclaté et nous nous sommes retrouvés sous les flashs du ciel, increìble! Espectacular!

Dans le musée d'art contemporain, très beau bâtiment rénové, il n'y a pas d'art contemporain. Les murs et les galeries sont tristement vides.
Nous sommes tombés sur une rétrospective de la révolution française mis en parallèle avec la révolution quiténienne, les gravures tout droit venues du Louvre nous font revoir nos classiques.

Mariscal est très urbanisé, bouillonnant d'ambition. On y trouve les restos et cafés à la mode, beaucoup d'enseignes étrangères, des bureaux, tout ce qu'on aime quoi! Gringoland!



Aujourd'hui nous prenons la direction d'Otavalo, petit village au nord, afin d'y célèbrer la Saint Jean et l'anniversaire de Cécile.
Nous repasserons à Quito pour prendre l'avion, mais il nous reste quinze jours pour rayonner en Equateur et espérer découvrir un peu de cuisine locale...

Au revoir et à bientôt.



Voici un Gaucho tout bourré qui s'est écroulé par terre aprés avoir fait un petit stop à la verticale de sa monture, impressionnant!


mercredi 17 juin 2009

Une excursion dans la Cordillère Blanche.

En route direction Huàraz, ville névralgique de la Cordillère Blanche, rendez-vous des trekkeurs du globe ayant eu vent de l'existence d'un écrin montagneux protégeant un sommet beau comme un diamant...

Nous y débarquons aux aurores, après 8h de bus avec la compagnie CIAL, équivalent de Air France terrestre : ultra sécurisé, service aux petits oignons, hôtesse mégabonne. Le lendemain, premier jour de notre aventure, nous décollons en bus à 6h pour Caraz puis prenons un taxi collectif jusqu'à Cashapampa. A 10h, nous nous engageons dans la vallée que nous allons remonter pendant 17km, jusqu'au col de Punta Union cerné par les montagnes menaçantes qui la clôturent.

Sous la chaleur nous découvrons nos mollets et bras... La terrible erreur! Les moscas (petits moustiques voraces, attaquant en nombre avec la méthode flash-éclair) nous dévorent en 5 minutes nous laissant des boutons que nous gratterons pendant 5 jours.

Nos sacs sont trop lourds et nous coupent les épaules. Nous portons tout notre bardas plus les munitions alimentaires... Nous commençons à regretter l'économie d'un demi-tour qui nous aurait permis de laisser quelques affaires derrière nous.

Deux trekkeurs portant seulement quelques kilos sur le dos nous doublent en sifflottant... Ils sont suivis de trois mules, d'un cheval, d'un muletier, d'un guide et d'un cuisinier! Nous décidons de faire contre mauvaise fortune bon coeur et de tirer fierté de notre situation de randonneurs non-assistés.

Nous montons en transpirant les 700m de dénivellés s'étalant sur 10 km. Nous arrivons au campement, épuisés! Mais quand on est des warriors de l'extrême, même fatigués, on ne se repose pas : la nuit tombe vite et fraîche, nous devons monter le campement.



Notre menu sera des plus simples et des plus efficaces : l'Aligot, recette testée et approuvée. Le dessert? Que nenni! Au lit! Nous sommes inquiets concernants les températures nocturnes, aussi nous décidons de ne prendre aucuns risques.
Descriptif du mille-feuilles qui nous entoure : au sol, couverture thermique (dite de survie) puis la tente, puis re-couverture thermique, matelas de sol, deux chacun. Puis vient le duvet, le drap de soie, chaussettes pour tout le monde, collant de laine ou de lycra pour les filles, t-shirts techniques, pulls polaires pour les deux, bonnets enfilés et pulls en lama et deux couvertures en plus pour Cécile! Ouf!
Couchés et levés avec le soleil, 20h-6h. Nous nous réveillons bien vivants et pas transformés en Hibernatus.

Nous continuons l'ascension en pente douce de cette vallée, longeant quelques petites lagunes, traversant des marais. Nous croisons des troupeaux éparses de vaches maigres en nous disant qu'elles font leurs besoins trop près du cours d'eau que nous longeons et qui est notre réserve d'eau (rendue potable par des pastilles magiques).

Derrière les versants de notre vallée, nous devinons la présence de pics enneigés assurant la réputation de cette "Cordillère Blanche". Mais pour l'instant, rien n'est blanc, tout ce qui nous entoure est sec et rocailleux.
Arrive enfin l'heure du déjeuner : "Cécile, sors le saucisson et le pinard! Déballe la baguette et le calendos!", "Mais non François! Aujourd'hui c'est thon en boîte, fromage des Andes et pain rassi." Ce sera notre menu pendant quatre jours.

Une portion du chemin nous mène à un mirador d'où l'on peut admirer le joyau du massif : l'Alpamayo.
Tels des mulets devant une carotte, nous fondons sur la montagne comme du Mont d'Or chaud sur ses patates, sors le Ketchup et la Moutarde, alpa-Mayo nous voilà!..
"Petits gourmands prétencieux!" a dû se dire la Pachamama. Et le ciel s'est couvert de nuages opaques, le froid et le vent se sont levés prématurément... C'est loupé! Nous verrons quand même l'Alpamayo mais pas au mieux de sa forme... Et de dos. De dos? Eh oui, sur les brochures et dépliants, se dressait une fière montagne taillée comme un diamant et brillante de glace : le versant opposé au notre!

Ils ne disaient pas non plus que le diamant était certi avec plein d'autres pierres... Aussi, au détour du sentier et alors que nous maugerions contre la photo d'illustration, s'est dressé devant nous l'Artesonraju avec des pics crevant les nuages et des glaciers en équilibre.


Nous campons devant sa majesté qui nous fait l'honneur du spectacle d'une avalanche dégringolant le sommet de 6000m. La Pachamama poursuit sa malédiction et fait tomber la pluie toute la nuit. Le lendemain nous attend l'étape la plus dure, 15km et un col de 4750m à passer. Nous nous levons dans le froid, un peu en retard, gris comme le temps.

Puis comme un écho lointain nous entendons "Amigo! Amigo!".
Non, ce n'était pas la voix divine mais un guide péruvien resté à l'arrière de son expédition qui nous invite à finir des pancakes arrosés de sirop d'érable en nous réchauffant d'une tasse de café au lait. Une bénédiction!
Nous attaquons l'ascension le ventre chaud et bizzarrement, aujourd'hui nous ne sentons pas le poids de nos sacs. Nous doublons les assistés et crânons avec notre sang dopé aux globules rouges que nous cultivons depuis deux mois.
Nous montons, montons... Derrière nous, s'éttend toute la vallée, et enfin, nous percevons l'envers du décor, la face cachée de la montagne...

Nous découvrons une lagune couleur menthe glaciale abreuvée par les eaux du glacier. Les pics aiguisés comme des lames, pointus comme des couteaux, jouent à cache-cache avec le soleil...


Et enfin, nous passons le col.

De l'autre coté, il fait gris, nous n'essayons même pas de souffler sur les nuages en invoquant la Pachamama. Le chemin de la descente est intransigeant avec les chevilles, nous arrivons extenués au camp, 1500m plus bas. Cassés mais contents.


Enfin, nous avons entraperçu quelques sommets célèbrements pointus et entrevu un peu de la beauté majustueuse et inconnue de cette partie de la Cordillère. Il fallait mériter le spectacle et se hisser humblement aux pieds de ces géants de 6000m, à 4800m.

Où faire caca dans le parc a Huascaran?


Nous commencons notre dernier jour par tenter d'élucider le vol de notre couteau de poche. Qui, dans cet endroit reclu peut avoir commis ce crime? C'est un chien alléché par l'odeur du fromage. Au bout d'une demi-heure, nous abandonnons les recherches, pressés par le temps.

Nous devons arriver avant midi dans le petit village de Vaqueria pour pouvoir rejoindre la civilisation avant la nuit.
Nous traversons des pueblos de montagne où des enfants mutilés et pouilleux bondissent sur le chemin nous demandant des regalos. Nous qui venons de traverser des cartes postales avons oublié qu'elles pouvaient être habitées. La pauvreté nous saisit comme une évidence que nous avions laissé de coté.

Après trois heures d'attente à Vaqueria, un combi s'arrête enfin. Il charge les sacs sur le toit et nous propose les deux dernières places disponibles : une en appui sur l'arrière du siège de devant, c'est à dire la tête dans les genoux et une sur un tabouret en bois... Nous grimpons à la force du moteur un col très haut encadré par le Nevado Pisco et le Huascaràn, deux géants de plus de 6000m le dernier étant le plus haut du Pérou.


Nous nous engageons dans la petite entaille de la montagne, le col, et mama mia! En contre-bas des lacets se succèdent interminablement sur 2000m de dénivellés. Pas de parapets et des pics d'adrénaline à la hauteur de ce qui nous entoure.


Enfin arrivés à Yungay, nous abusons de la douche.

François se rend compte qu'une rando de quatre jours a fait fondre son corps et décide d'entamer un régime grosseur. Cécile, son coach -gourmand- en profite pour lui faire manger les gâteaux qu'elle s'interdit...


Le lendemain, autre départ, autre bus et même frayeur.
Nous dévalons le Cañon del Pato dans une course saccadée de coups de freins. Les parois de pierre sont lessivées et abruptes, en bas coule un petit torrent que l'on a du mal à imaginer être la cause de cette grande cicatrice ouverte.
La piste jongle entre les deux versants en empruntant des ponts de fer, serpente entre les tunnels que l'on croirait percés à coups de bus. Les roues passent une à une dans une ornière donnant sur le vide... François fait un tour de manège digne de cent Space Mountain.
Nous traversons une ville, Chimbote. Pauvre ville! Elle est moche, elle pue, on n'a qu'une seule envie une fois arrivés : en repartir.
Une usine de farine de poissons, aliment moderne pour vaches -nous ne savions pas que les bovins étaient amateurs de sushi en poudre- déverse dans l'air humide une épaisse fumée nauséabonde. Tout doit puer la morue ici, de la serviette de cuisine aux dessous affriolants.

Nous nous posons enfin, à Trujillo, dans l'hôtel Conde del Arce, vieille bâtisse coloniale qui a du avoir ses instants de gloire mais qui se fâne inexorablement sous les parures de plantes.


Dans une grande cour pavée de galets se découpent des carrés de terre où s'épanouissent des cactus et des fleurs fushias. Dans un coin, sous un auvent soutenu par de fines poutres en bois blanc, trône une télé branchée sur une rallonge qui se balance le long d'un mur autrefois ocre.

Un cocker monte la garde sur un fauteuil, préférant à ceux en rotins celui en cuir élimé. Deux enceintes énormes crachent en stéréo du Glenn Miller et d'autres tubes nord-américains des années cinquantes.
Nous sommes dans un décor de Kusturica, à l'abri de la cohue citadine dans une enclave surréaliste. BigBen nous réveille, immédiatement relayé par quelques notes de musique classique...


Nous prenons le temps.

Au revoir et à bientôt.

PS : Dans les journaux et chaînes locales, nous apprenons que 24 policiers se sont fait tuer par des "terroristes" en amazonie. Sur TV5monde, La chaîne francophone, nous apprenons que 24 policiers et 150 indiens revendiquant le droit à l'exploitation de leurs terres ont été tués.
C'est un exemple édifiant de la censure d'Etat, non?
Au fait, comment va la France vue de l'interieur?